Chounet-Eslous Pierre

2e à gauche, le capitaine Chounet en compagnie d'officier du 57e RI au camp de Souge en 1936. Coll particulière.

2e à gauche, le capitaine Chounet en compagnie d’officier du 57e RI au camp de Souge en 1936. Coll particulière.

Pierre Antoine Philadelphe Chounet-Eslous est né le 2 novembre 1897 à Lasseube de Jean Baptiste et d’Anne Labat. Appelé en janvier 1916, il participe à la première guerre mondiale avec le 2e bataillon de chasseurs. Caporal, sergent, sous-lieutenant, il gravit peu à peu tous les échelons. « Volontaire pour toutes les missions périlleuses », il est cité à l’ordre de la brigade en avril 1917 et reçoit la Croix de guerre avec médaille de bronze. Démobilisé en septembre 1919, il s’installe un temps à Casablanca. Le 10 août 1922, il épouse Victorine Pauline Lassave (1898-1975) et revient s’installer en Béarn. Simone Anna naît le 27 juillet 1929 à Oloron.
En 1936, Pierre Chounet obtient le grade de capitaine. En septembre 1939, il rejoint Bordeaux et la 9e compagnie du 57e RI. Peu après, il prend la responsabilité du Corps franc régimentaire. En effet, il a eu l’idée de réunir dans un seul groupe les différents Corps francs du régiment ce qui lui permettait d’avoir un effectif de 90 hommes, bien armées et bien équipés, répartis en trois section de deux groupes de quinze hommes. Chaque groupe était doté de deux fusils mitrailleurs. La personnalité de Chounet « ce Béarnais solide comme le roc des montagnes », réussi ainsi à fédérer autour de lui des hommes divers qui lui sont entièrement dévoués.
Durant l’hiver 39-40, le Corps franc avait été utilisé, en Alsace et en Lorraine, pour effectuer des patrouilles dans le no man’s land entre les deux armées. Le but était de recueillir des renseignements ou de ramener des prisonniers mais malgré de nombreuses opérations, le succès ne fut pas au rendez-vous.
Le 28 mai 1940, le 57e RI est dans les Ardennes depuis quelques jours, une nouvelle opération est programmée. Le Quartier Général a besoin de prisonniers pour connaitre la situation exacte à Semuy et les projets allemands. Chounet prépare l’expédition qui est racontée par le Lieutenant Guillot dans le livre d’André Dufilho, Mon lieutenant, un blessé vous demande : la 35e division d’infanterie dans la guerre de 1939-1940. Les hommes devront rallier le village de Semuy, occupé par les Allemands et séparé des lignes françaises par le canal de l’Aisne, puis le « nettoyer » et ramener des prisonniers. L’affaire est risquée et le capitaine a des doutes : les combats des jours précédents ont réduit considérablement les effectifs (55 hommes au lieu de 90), le QG veut une préparation d’artillerie alors qu’il souhaiterait plutôt une discrétion absolue. Mais il en va de la gloire du Corps franc…
Dans la nuit du 28 au 29, des ombres se glissent à travers le parc du château de Voncq, atteignent la dernière pente qui surplombe le canal. Là, depuis le 16 mai, des fantassins sont tapis dans leurs trous. Des mortiers, des mitrailleuses, des antichars camouflés dans les taillis font le guet. Un à un, les six groupes entament la descente et atteignent le canal. Une passerelle est jetée, les hommes traversent en courant, se tapissent contre la berge, à quelques centimètres de l’eau. Au-dessus, le chemin de halage est dominé par les avant-postes allemands. 3h15, comme prévu les canons tonnent mais les tirs sont trop courts, les obus tombent sur les arbres, les fourrés, sur quelques mitrailleuses ennemies sans atteindre le village de Semuy. Seuls les obus de 75 réussissent à encadrer le village et à l’isoler des renforts. Sous la violence du feu, les hommes du Corps franc se terrent dans les roseaux. à 3h35, la préparation est terminée, le capitaine donne le signal, baïonnette en avant les soldats s’élancent vers le village et débouchent sur la place… où ils sont accueillis par des violentes rafales.
« Le village s’emplit de hurlements, de clameurs, de vociférations et de détonations. Aux crépitements grêles des mitrailleuses allemandes répondent les rauquements de nos fusils-mitrailleurs… De toutes les fenêtres, à bout portant, l’ennemi nous mitraille… » (Guillot). Au milieu de ce chaos, le groupe du lieutenant Guillot parvient à prendre à revers des Allemands descendus dans la rue puis à entrer dans une maison. Les soldats allemands qui s’y trouvent sont faits prisonniers. Sur la place, les combats font toujours rage. Il est 3h53, l’heure prévue du repli est dépassée, il faut s’en aller en amenant les blessés. à 4h, les derniers hommes franchissent le canal et remontent vers le PC. Les plus valides rejoignent le campement aux Alleux, les autres attendront le soir pour être évacués. On est sans nouvelle du capitaine Chounet.
« Ce coup de main est tombé sur deux compagnies du IR 78 qui explorent la partie nord du village alors inoccupée. La 7e Compagnie (Kie) occupe le village et résiste aux attaques françaises. La 5e Kie occupe la partie est et la 6e remonte jusqu’au moulin de la Tortue : une maison, une écluse et un pont dynamité. Elle est soudain accueillie par des tirs de fusil-mitrailleur venant du moulin. Elle fait alors demi-tour et revient vers le village où elle tombe sur le groupe Chounet. Le compte-rendu allemand indique le grand nombre de tués de part et d’autre et signale la présence parmi eux d’un capitaine français. Ils estiment à 2 000 les tirs exécutés par l’artillerie française sur le village qui n’est plus qu’entonnoir sur entonnoir.» (http://www.ardennes1940aceuxquiontresiste.org/)
Le 29 octobre 1942, le capitaine Chounet est fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume et reçoit la Croix de guerre avec la citation suivante : « Chounet-Esclous (sic) Pierre-Antoine. Capitaine : officier d’un courage et d’un entrain remarquable. Le 29 mai 1940, chargé d’exécuter avec son corps franc un coup de main dans la villages de Semuy, a entraîné audacieusement ses hommes, causant de grosse pertes à l’ennemi et lui faisant des prisonniers. Entouré avec deux hommes, dans l’intérieur du village, a accepté le combat ; est mort glorieusement aux cours du combat. A été cité. »
Enterré sur place par les Allemands, son corps fut exhumé en 1941 et transféré au cimetière militaire de Semuy. Selon son petit-fils, sa veuve et sa fille eurent le plus grand mal a accepter sa disparition, l’ espérant toujours vivant des années après. Bien plus tard, son nom fut gravé sur la tombe familiale du cimetière de Notre-Dame à Oloron.

En 1942, prisonnier dans le camp disciplinaire de Rawa-Ruska, le lieutenant  Guillot relate par écrit les événements de ce jour et salue la mémoire du capitaine Chounet : « Si nous avions su qu’avant même de réunir ses subordonnés, le capitaine Chounet avait écrit une lettre d’adieu à sa femme et à sa fille… Si nous l’avions vu devant un officier très supérieur arguer de la faiblesse de nos effectifs qui, complets au 10 mai, étaient descendus de 88 à 55… Si nous avions su que, ne pouvant éviter le massacre (qu’il prévoyait), il se réservait pour lui et sa garde de fidèles le rôle le plus dur… Si enfin, nous avions su que, dans un suprême don à la Patrie et au Corps franc, cet officier, pour essayer de forcer la victoire de ses hommes choisissait la part dont on ne revient pas, dont il n’allait pas revenir, peut-être alors aurions-nous été moins confiants ! mais nous ne savions rien et cela valait mieux ainsi. La capitaine Chounet nous donna à cette occasion le plus magnifique exemple de renoncement et d’abnégation. Qu’il nous soit permis d’adresse ici à sa mémoire notre plus sincère hommage d’admiration et d’affection. »